jeudi 23 novembre 2017

... Prologue : la suite !

... Et le trimaran à 57 ans dans tout ça ? ...


On y vient, on y vient, patience !

Allez, passons allègrement du retour en France à l'été 2005, le travail, la routine, les antidépresseurs, bref la vie quotidienne de tout un chacun, à l'été 2014 où, discutant de la manière d'occuper notre future retraite, septembre 2017 pour moi, quelques années plus tard pour Nadiège, nous avons décidé d'ouvrir un nouveau chapitre bateau.
Cette décision m'a permis de tenir professionnellement les trois ans qu'il me restait à effectuer, en passant mon temps entre les forums de voile, les petites annonces à éplucher, les hésitations sur le montant de l'investissement financier à consacrer à l'achat de notre troisième voilier, le parcours de notre prochain voyage.

Samedi 30 septembre 2017 14h00, Paimbœuf (Loire Atlantique) :
Ça y est, c'est fait, je viens de faire le virement, l'acte de vente est signé, et nous sommes propriétaires d'un trimaran de 12m de long sur 8m de large qui s'appellera ... Hiva Oa !

Pourquoi Hiva Oa au fait ?
À l'achat de notre premier voilier, lorsque nous avons lui cherché un nom, nous évoquions l'éventualité d'aller faire un tour dans le Pacifique. Et tout naturellement Hiva Oa nous est apparu, comme une évidence. Hiva Oa c'est les Marquises, et les Marquises c'est au bout du monde, et c'est Brel, et Gauguin. Nous ne sommes pas allés dans le Pacifique lors de notre premier voyage, et notre deuxième bateau s'est appelé Hiva Oa, ainsi que l'actuel.

Notre trimaran est un voilier de construction amateur, d'après un plan Newick modifié par le premier propriétaire qui en a légèrement augmenté le volume pour un peu plus d'habitabilité et un meilleur passage dans la mer formée. Sa coque centrale est en aluminium et les flotteurs latéraux sont en nid d'abeille. Il avait besoin d'un sérieux coup de propre car il était "dans son jus" depuis un an et demi dans un port à sec près de l'estuaire de la Loire.

Hiva Oa en septembre
Plan de l'intérieur actuel

Octobre et Novembre ont passé vite, il y avait du travail à faire avant de remettre le bateau à l'eau, j'en ai fait une partie seul, et pendant les vacances scolaires de Toussaint on a mis le paquet, Nadiège et moi.
Les travaux réalisés :
- Un grand, très grand nettoyage de l'intérieur et de l'extérieur,
- ponçage de la coque sous la ligne de flottaison,
- antifouling (la peinture sous-marine anti-salissures),
- achat d'une grand-voile d'occasion (bon ok ça c'est pas du travail, juste 500km A/R pour la récupérer),
- entretien du moteur (vidange de l'huile moteur, remplacement des filtres à huile et à gazole, de la turbine de pompe à eau de mer, traitement du réservoir de gazole au grotamar),
- achat de nouvelles batteries et mise en parallèle,
- achat, pose et branchement de panneaux solaires et d'un régulateur,
- travail sur l'étanchéité des liaisons coque centrale/flotteurs (pose de tissu de verre, résine et gel coat époxy),
- "dérouillage" de la chaîne d'ancre,
- réparation de l'annexe (un zodiac de 2m70) dont le fond était presque totalement décollé.

Et vendredi 17 novembre à 16h00, la récompense : mise à l'eau du bateau, dans l'angoisse et la peur que quelque chose cloche, que le moteur ne démarre pas, qu'il y ait une voie d'eau ...
Et miracle, il flotte, le moteur tourne (pas très régulier au début, on voit qu'il n'a pas tourné depuis presque deux ans), et je peux aller l'amarrer à un corps-mort à quelques centaines de mètres du chantier.

Il ne reste plus qu'à attendre la bonne fenêtre pour partir car maintenant, le programme, c'est retour en Méditerranée par le golfe de Gascogne, l'Espagne, le Portugal et le détroit de Gibraltar.
Et en décembre, c'est pas vraiment la meilleure période !

Mise à l'eau
Hiva Oa sur son corps-mort

Prologue ...

... Si à 57 ans t'as pas un trimaran, t'as raté ta vie ...

Avouez que cette formule a un peu plus d'allure que celle de la Rolex à 50 ans, inventée par un publicitaire has-been !
Hé bien, faut croire que j'ai pas raté ma vie alors ...
Mais pour expliquer tout cela, un petit retour en arrière est indispensable.


Hiva Oa en juillet 1993

Notre premier bateau s'appelait Hiva Oa : c'était un magnifique Sun Fizz, un monocoque de 12 mètres, un "3 cabines" avec pont teck que nous étions allés acheter en Belgique. C'était en 1993, en juin 1993. Notre voilier c'était notre maison, on vivait dessus toute l'année avec nos deux filles (5 ans et 2 ans lors de l'achat du bateau), au port des Roches de Condrieu, sur le Rhône, et de début juillet à fin août on s'offrait deux mois de croisière en Méditerranée.
Cette vie de "romanichels fluvio-maritimes" a duré trois ans, le temps nécessaire pour remplir la caisse de bord et préparer Hiva Oa à la grande aventure de l'année sabbatique, de juillet 1996 à juin 1997, année pendant laquelle nous avons réalisé un tour de l'Atlantique, passant par Gibraltar, Madère, les Canaries, le Cap Vert et les Antilles avant un retour mouvementé par les Açores.
Retour en France, retour au travail, mais avec dans un petit coin de la tête la certitude de repartir un jour ...
En route vers Madère


Cette certitude s'est concrétisée 7 ans plus tard ! 
Après une opération du dos et une rééducation pas facile, fin mai 2004 je me sens moins faible, j'arrive à marcher plus de 5 minutes sans être essoufflé, c'est le printemps, le soleil est là et le moral remonte en flèche. Un soir je regarde Nadiège et je lui dis : 
- T'as pas envie de repartir ? Si on vendait la maison ? On se reprend une année de dispo et on se barre avec les enfants !
- Chiche !
Un mois plus tard la maison était en vente, notre disponibilité acceptée par l'inspection académique, et je filais en Turquie pour voir le bateau qu'on allait acheter.
Cette fois un voilier de 12m c'était trop juste, on avait quatre enfants, la plus grande, 17 ans, entrait en terminale, et la plus petite, un an et demi, marchait depuis quelques mois seulement. Pour loger tout ce petit monde, j'avais repéré à Marmaris un Gibsea Master 48, 14m50, quatre cabines dont deux avec couchettes superposées, l'idéal pour une famille nombreuse. Et mi-juillet Nadiège et les enfants me rejoignaient sur Hiva Oa (car on l'avait nommé Hiva Oa, lui aussi) et on appareillait pour une nouvelle année sabbatique.
Expérience très différente de la première, avec quelques soucis, sur le bateau d'abord qu'on n'avait pas eu le temps de préparer convenablement, qui manquait d'autonomie électrique et dont le pilote automatique nous laissa tomber à plusieurs reprises ; avec notre fille aînée, Cloé, qui nous quitta fin décembre à Las Palmas aux Canaries, pour rentrer finir sa terminale en France car elle angoissait de n'être pas à la hauteur pour passer son bac. Et quelques ennuis financiers également, car la maison ne se vendait pas, et notre compte bancaire se vidait de manière inquiétante.
Ces problèmes financiers nous menèrent à Dakar, au Sénégal, où l'on m'avait dit que je pourrais trouver à "bricoler" pour faire bouillir la marmite ... Et c'est ainsi que nous sommes devenus contrebandiers ! Oh, pas de drogue, pas d'armes ni de clandestins, simplement des djembés, batiks et autres objets artisanaux africains que nous transportions "hors douane" de Dakar jusqu'aux îles du Cap Vert !
Cette activité nous a permis de vivre confortablement cette année sabbatique tout en exaltant mes rêves d'aventures à la Henry de Monfreid ... Toutes proportions gardées bien entendu !
À notre retour en France à l'été 2005, nous n'avons pas évoqué immédiatement un nouveau départ, conscients qu'il faudrait cette fois plus de temps  pour que les conditions propices à une nouvelle aventure soient réunies ... Mais nous savions tous les deux que nous repartirions !

Sur la plage à Dakar

Jour de régate en baie de Hann (Sénégal)